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Le Relais Bernard Loiseau (Saulieu) : première partie

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  Le mois Bernard Loiseau Episode 10

Le Relais Bernard Loiseau.

C’est un gris et froid matin d’automne. Mais un matin pas comme les autres : j’arrive à Saulieu… Les nuages laissent soudainement place à un joli ciel bleu, comme une invitation à un beau voyage. Car comme le dit si bien Dominique Loiseau, les gens viennent au Relais Bernard Loiseau pour voyager « dans un autre monde », voyager dans un endroit mythique, dans une maison chargée d’histoire, en plein cœur d’une fabuleuse région et de son magnifique parc naturel : la Bourgogne et le Morvan…

La maison ne tourne pas le dos à son prestigieux passé, bien au contraire...

Elle a fière allure cette maison qui vit se succéder tant de chefs talentueux : tout d’abord Jean-Baptiste Monin, qui décrocha une étoile au Guide Michelin en 1926 – l’année de la création des « étoiles de bonne table » – puis Alexandre Dumaine, trois étoiles de 1935 à 1964, un chef que l’on qualifiait alors de « cuisinier des rois »… et il en comptait parmi ses clients, de « roi des cuisiniers » ou encore d’« Alexandre le Magnifique », c’est dire ! Et puis, bien sûr, il y eut Bernard Loiseau, à qui Claude Verger confia en 1975 la gérance de La Côte-d’Or (ancien nom du Relais Bernard Loiseau). Aujourd’hui, c’est un autre grand chef, beaucoup plus discret mais non moins talentueux, qui perpétue l’héritage gastronomique de cette extraordinaire maison : Patrick Bertron.

Curnonsky ne s'y était pas trompé...

Aussitôt après avoir franchi le seuil de la maison de Madame Loiseau, c’est comme si on nous enveloppait dans un cocon de douceur et de confort. Le froid glacial est bien resté à la porte : ici on se réchauffe près du beau feu de cheminée pendant que l’on se charge de nos bagages. Le feu crépite, on se détend en appréciant un délicieux jus de fruits fraîchement pressés et quelques croissants encore tièdes (ou tout autre bonne chose qui vous ferait plaisir, à votre convenance…). Cela nous laisse le temps d’admirer cette belle pièce aux murs boisés, avec son plafond à la française. C’est en bonne maîtresse de maison que Dominique Loiseau, très présente, se charge personnellement de la décoration des lieux, comme elle le fait pour son jardin. Résultat : l’atmosphère est vivante et chaleureuse, on en oublierait presque que nous sommes à l’hôtel. Le personnel, souriant et convivial, jamais guindé mais très professionnel et attentif, renforce ce sentiment d’être reçu chez des amis ou de la famille. Un must.

Une ambiance et un accueil chaleureux.

La salle à manger principale (il y en a trois) a toujours autant de cachet, avec ses tomettes anciennes au sol et sa vue panoramique sur le grand jardin à l’anglaise.

La salle à manger principale.

Et puis il y a Bernard Buffet, un grand ami de la famille Loiseau, qui a laissé une belle empreinte dans cette maison : ses œuvres sont partout. Une des salles à manger lui est d’ailleurs consacrée et est décorée exclusivement de ses toiles.

Une des œuvres de Bernard Buffet dans la salle à manger principale.

Ce n’est pas ma première fois au Relais Bernard Loiseau : j’avais déjà eu la chance d’y être invité en 2011, avant la naissance de ce blog. Comme elle le fait avec tous ses clients, Madame Loiseau était venue nous saluer pendant le déjeuner… J’avais alors pu lui dire à quel point son mari m’avait marqué et comme j’étais heureux de pouvoir enfin goûter à sa cuisine. Avant de découvrir celle de Patrick Bertron dans une prochaine partie, j’aimerais faire une nouvelle fois honneur aux « Classiques de Bernard Loiseau ». À mon avis, il faudrait toujours goûter au moins deux fois les plats que l’on a adorés. La première fois, on laisse trop de place au cérébral et à l’analyse, beaucoup trop de choses viennent s’interposer entre ce que l’on mange et ce que l’on ressent. Tandis que la seconde fois, on ne cherche plus, on sait que c’est bon et on se focalise seulement sur son plaisir… C’est souvent là que les grands plats sont les meilleurs.

La lumière automnale du jardin inonde les tables...

Pour éveiller ses papilles en douceur, le velouté de carotte et de fenouil et son émulsion de lait est parfait. Quelques pousses de mouron des oiseaux et de scarlet viennent apporter une touche de subtilité et de fraîcheur à cette mise en bouche épurée et goûteuse. De beaux produits, des goûts francs et précis : c’est tout l’esprit de la maison.

Velouté de carotte et de fenouil.

La cuisine de Bernard Loiseau est connue pour être allégée en beurre… Ce qui n’empêche pas qu’il y en ait sur les tables ! Nous avons là un beurre doux du Jura et un beurre demi-sel du Poitou-Charentes… Tous les deux sont particulièrement addictifs avec les bons petis pains (traditionnel, de campagne ou « du Morvan »)…

Le pain et les beurres.

Arrive un des plats légendaires de Bernard Loiseau : les jambonnettes de grenouilles à la purée d’ail et au jus de persil. Une recette à l’origine assez grossière et très grasse qui fût totalement réinventée par Bernard Loiseau… Je n’ai pas oublié la première fois que je l’ai goûté : j’avais été totalement soufflé par la pureté du goût de cette purée d’ail, par sa légèreté, par ses parfums à la fois intenses et éphémères en bouche.

Trois produits, trois saveurs... Au coeur du goût !

Pour parvenir à ce résultat, l’ail est plongé de nombreuses fois successives dans de l’eau froide portée à ébullition. Sans aucun doute l’ail dans sa plus belle expression. Le jus de persil, lui aussi très pur, intense, m’avait fait chavirer… Ce plat est aussi bon que dans mon souvenir : les délicieuses jambonnettes, légères comme tout, se mangent avec les doigts, ce qui rend l´ensemble encore plus gourmand.

Jambonnettes de grenouilles à la purée d'ail et au jus de persil.

Pas plus de trois produits dans l’assiette, des goûts francs et précis : cette entrée est la parfaite illustration de la règle d’or du Maître. Une règle à laquelle j’adhère totalement…

Une autre grenouille se cache sur cette photo...

Comme à Beaune et à Dijon, le restaurant du Relais Bernard Loiseau propose à sa clientèle une exceptionnelle carte de vins aux verres (70 références) grâce au système de distribution dernier cri  « Enomatic ».

Éric Goettelmann et la superbe oenothèque.

Éric Goettelmann, chef sommelier du Groupe, et Baptiste Gauthier, premier sommelier du Relais Bernard Loiseau, me présentent l’œnothèque et me font visiter les caves de la maison (15 000 bouteilles, 900 références)… Superbes !

Baptiste Gauthier dans la cave réservée aux bourgognes...

Souvenez-vous de la sauce au vin rouge des sublimes œufs meurette de Loiseau des Vignes… Elle me rappelait une autre recette célèbre de Bernard Loiseau : le sandre à la peau croustillante et fondue d’échalotes, sauce au vin rouge. Cette dernière, onctueuse, acidulée et fruitée – avec ses notes de framboise et de groseille – me fait fondre comme les échalotes qui servent de lit au noble poisson. Ce plat simple en apparence, est le résultat d’une multitude de détails subtils qui aboutissent à la perfection. La peau du sandre est en effet bien croustillante – délicieusement croustillante – mais sa chair est fondante et nacrée à souhait. La qualité du produit est ici sublimée par l’exceptionnelle maîtrise de sa cuisson.

Sandre à la peau croustillante et fondue d'échalotes, sauce au vin rouge.

Tout est pensé et rien n’est laissé au hasard dans un tel plat : l’épaisseur du pavé de sandre, la quantité d’échalotes, de sauce au vin rouge, la séparation du poisson de la sauce, les températures… Acidité du vin rouge, douceur de la fondue d’échalotes, fondant de la chair de sandre et croustillant de la peau… Des jeux de textures d’une grande finesse et un équilibre idéal entre goûts et saveurs, sans qu’à aucun instant l’un des trois produits ne prenne le dessus. Une parfaite harmonie pour un très, très grand plat.

Après avoir goûté à la cuisine de Bernard Loiseau, la journaliste culinaire Ruth Reichl (New York Times) avait titré un de ses articles « Purity of taste »… Je me dis alors qu’elle avait vraiment vu juste !

HomART...

Je vous disais qu’il y a des secondes fois où des plats déjà grands peuvent me sembler immenses. C’est ce qui m’est arrivé avec le plat suivant. À la vue de cette assiette, quelqu’un de non averti a de quoi être étonné : ce plat semble d’une déconcertante simplicité. La grande cuisine actuelle nous a en effet éloignés de cette simplicité, nous entraînant bien souvent dans une course à la sophistication, dans une quête sans fin de produits rares et inattendus, transformés et employés sous toutes les formes possibles, au risque parfois de perdre ses repères et son authenticité… Alors quand dans un tel restaurant, on vous sert une assiette réunissant simplement un blanc de volaille, un foie gras poêlé et une purée à la truffe, ça peut paraître étrange… Et pourtant, et je vous le dis en toute sincérité : c’est un des meilleurs plats qu’il m’ait été donné de déguster !

Blanc de volaille fermière et foie gras poêlé à la purée de pomme de terre truffée.

Je repense à Enrico Bernardo qui me disait : « Il n’y a rien de mieux que de donner à son corps ce dont il a envie, et ça peut être très simple ». C’est ce qui se passe à cet instant pour moi : je donne à mon corps tout ce dont il a envie et je ne réfléchis plus ! Comme j’en ai souvent l’habitude, je goûte séparément les produits avant de les marier les uns aux autres. Ce sont eux les stars de l’assiette. La volaille fermière de Bresse est ferme et moelleuse à la fois, tellement bonne, tellement goûteuse… Cette sauce truffée, légèrement salée, puissante, dense et gourmande est à tomber à la renverse. Les tendres poireaux nains disposés au milieu de l’assiette ne sont pas superflus : ils apportent un peu de fraîcheur au plat et empêchent la sauce de se répandre partout. Le foie gras est à la fois très goûteux et d’une finesse et d’une subtilité rares, tant dans ses parfums que dans sa texture. C’est un choc après la volaille, car l’accord entre ces deux sublimes produits est magique. Puis il y a la purée de pomme de terre truffée… et là, deuxième choc : comme une incroyable sensation de clé de voûte qui viendrait parachever une œuvre d’art. Cette purée est divine, et je comprends pourquoi Madame Loiseau en parle en la qualifiant de « vrai dessert ».

« Un vrai dessert ».

Je goûte maintenant les trois produits ensemble, avec un peu de cette sauce si spéciale qui rend ce plat unique : je suis certainement en train de vivre l’un des plus grands moments de gastronomie de mon existence. Je repense à Bernard Loiseau, au décalage entre cette simplicité apparente du plat et l’émotion qu’il procure à la dégustation… les larmes me montent aux yeux. Bernard Loiseau était un génie, j’en suis maintenant totalement convaincu.

Avant de passer au dessert, il y a l’incontournable « pointe d’époisses », particulièrement aromatique et savoureuse en cette saison.

Pointe d'époisses, douceur de moutarde de bourgogne au pain d'épices.

Elle est ici accompagnée d’une quenelle de crème fouettée à la moutarde et au pain d’épices… L’accord est excellent, et le pain grillé aux figues est idéal avec ce beau fromage.

Le pain grillé aux figues.

Bernard Loiseau voulait une cuisine épurée et des goûts purs, jusque dans les desserts. Ainsi est née la Rose des Sables. Trois produits, pas un de plus. Tuiles au chocolat, crème glacée au chocolat noir et coulis d’oranges confites. Un dessert qui peut paraître surprenant aujourd’hui, mais un dessert très gourmand, étonnement léger et que l’on se plaît à déstructurer en le cassant à la petite cuillère pour mieux apprécier les différences de saveurs et de textures.

Rose des sables à la glace pur chocolat et son coulis d'oranges confites.

Il y a aussi les petites douceurs sucrées de Benoît Charvet, chef pâtissier de l’année 2013… J’aurai très bientôt l’occasion de vous parler de lui et de ses magnifiques créations… Ces petites douceurs donc, sont d’une extrême finesse en termes de textures, de parfums, de saveurs et de dosage du sucre. Les meilleures petites douceurs sucrées de ma vie ? Là encore, sans aucun doute ! J’avais déjà eu le même coup de cœur la première fois que j’étais venu en 2011…

Chocolat blanc, ananas, thé Ceylan, sésame / Pomme d'amour revisitée à la mandzana / Tartelette au chocolat au lait et aux noix de macadamia.

Comment oublier également ces tuiles aux amandes façon Bernard Loiseau, ou devrions-nous dire « amandes tuilées », tant elles sont fines et légères… Benoît me confiera que Bernard Loiseau voulait que l’on ait l’impression de ne manger que des amandes. La pureté du produit vous disais-je… Et c’est vraiment réussi : ces tuiles méritent à elles seules que l’on réserve une table au Relais Bernard Loiseau ! Il aurait donc été dommage de les associer à un café ordinaire, ou pire, en capsule…

Transparence d'amandes...

Alors on est vraiment satisfait quand on goûte le moka de Sidamo (Éthiopie) aux arômes fruités subtils et au corps liquoreux… Ce café est torréfié par la maison italienne Giordano, qui fournit aussi Loiseau des Vignes et Loiseau des Ducs. Ce jour-là, Monsieur Giordano en personne est présent pour régler et vérifier ses machines. Car selon lui, il est « impossible de faire du bon café avec une machine mal réglée ». Cela semble évident, et pourtant…

Moka de Sidamo. Le chocolat et la pâte de fruits sont aussi fabriqués sur place.

Je quitte la table ému et comblé par ce magnifique voyage… Un voyage qui ne fait que commencer : il me tarde maintenant de découvrir la cuisine de Patrick Bertron et les desserts de Benoît Charvet. Je pourrai ce soir en avoir un aperçu depuis un lieu très spécial, puisque Patrick Bertron m’a fait l’immense joie de m’inviter à assister au service du dîner depuis les cuisines…

Patrick Bertron m'invite à assister à un spectacle de rêve...

Relais Bernard Loiseau

2, rue d’Argentine

21210 Saulieu

Tél : 03 80 90 53 53

www.bernard-loiseau.com

Fermé le mardi et le mercredi. Fermeture annuelle du 21 janvier au 27 février 2014.

Menus : 70 € (déjeuner), 150, 175, 215 €.

Carte : 180 €.


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