Je n’étais pas revenu à Saulieu depuis l’hiver dernier (souvenez-vous du « mois Bernard Loiseau »…). Quelle joie de retrouver Dominique Loiseau, Patrick Bertron, Benoît Charvet, Éric Rousseau, Vincent Jousset, Baptiste Gauthier, Antony Aguera et tout le personnel si accueillant et si chaleureux du Relais Bernard Loiseau !
Le déjeuner commence par une incontournable gourmandise : que l’on soit au Relais Bernard Loiseau, à Loiseau des Ducs, à Loiseau des Vignes, chez Tante Louise ou chez Tante Marguerite, les délicieuses gougères feuilletées sont toujours proposées à l’apéritif. Il en est de même pour le remarquable crémant blanc de blancs élaboré par la maison Albert Bichot avec Éric Goettelmann, chef sommelier de la maison Bernard Loiseau (voir le commentaire de dégustation).
Les petites bouchées bourguignonnes (croustillant d’escargot tout chaud, betterave et crème de raifort, jambon persillé) sont vraiment bienvenues…
Voici une autre savoureuse et estivale mise en bouche : de la pastèque, un coeur de melon, un peu de sarriette, quelques touches de citron confit, et pour relever d’une façon originale l’ensemble, de la nougatine de piment de Jamaïque concassée.
Les jambonnettes de grenouilles à la purée d’ail et au jus de persil de Bernard Loiseau sont intemporelles et ne lassent jamais… comme tous les grands classiques. Difficile en effet de réaliser que ce plat si moderne ait trente ans cette année ! La pureté et la précision des fameuses trois saveurs chères à ce Chef extraordinaire se combinent ici dans une délicate harmonie de parfums, de textures et de couleurs… avec en prime le plaisir de déguster les fameuses jambonnettes du bout des doigts.
Comme pour le fameux faux-filet de boeuf de Charolles, jus au foin et tartare au poivre de cassis (voir la recette en vidéo), c’est la généreuse nature morvandelle qui a inspiré à Patrick Bertron le plat principal de ce déjeuner : le souvenir d’une promenade en forêt lui a donné l’idée d’associer le veau de la région à des girolles et à un jus infusé aux bourgeons de sapin. Tendre filet, rosé à souhait et ultra savoureux d’un côté, ris bien doré et croustillant de l’autre : toutes les subtilités de ces nobles morceaux sont ici parfaitement mises en valeur.
Les créations de Patrick Bertron se présentent souvent comme une succession de délicieuses surprises, à l’instar de cette fine et craquante tourelle de pomme de terre garnie de tête de veau à l’estragon et d’une mousseline d’une grande légèreté. Qu’elle est gourmande la forêt de Patrick Bertron !
Le sommelier Baptiste Gauthier nous propose un verre de Meursault 1er Cru « Poruzots » 2002 de Morey-Blanc, un vin au nez frais et élégant, sur de délicates notes de fleurs blanches, d’agrumes, de miel et de brioche. Des parfums gourmands que l’on retrouve dans une bouche ample, assez grasse et dotée d’une belle acidité : un très joli mariage avec l’ensemble du plat.
C’est sans doute la dernière fois que je déguste les desserts de Benoît Charvet au Relais Bernard Loiseau. Après huit années passées à Saulieu, le talentueux Chef pâtissier commencera bientôt une toute nouvelle aventure, au sein d’une autre belle et grande maison (rendez-vous à la rentrée pour en savoir plus). Son exceptionnel travail à la tête de l’équipe de pâtisserie du Relais Bernard Loiseau lui aura valu d’être récompensé du titre de Chef pâtissier de l’année 2013. Souhaitons à Benoît tout le succès qu’il mérite pour les années à venir ! Souhaitons également au Relais Bernard Loiseau de retrouver rapidement un chef pâtissier aussi passionné, talentueux et créatif que Benoît Charvet (il est encore temps de postuler !).
La qualité, l’originalité et la finesse des petites douceurs destinées à nous faire patienter donnent le ton…

De droite à gauche : gourmandise coco-passion, pomme d'amour revisitée à la mandzana, religieuse abricot-romarin.
C’est l’été et donc l’occasion idéale de succomber au Carrousel de fraises, un classique du Chef. Sous une barbe à papa parfumée à la réglisse et parsemée de feuilles de menthe friables (les feuilles sont frites dans de l’huile de pépin de raisin à la saveur neutre) se cache un coeur craquant et fondant, superbement structuré, de crème brûlée à la réglisse, de fraises acidulées et bien parfumées, le tout surmonté d’un parfait à la menthe. Ce dernier, de par son astucieuse disposition, permet au coulis de fraise au poivre du Sichuan intensément fruité (que l’on verse au centre de la barbe à papa) de s’écouler de façon homogène par dessus et tout autour du coeur du carrousel.
On retombe instantanément en enfance en commençant par déguster la barbe à papa avec les doigts, puis le coeur du dessert nous révèle une exceptionnelle maîtrise des différents équilibres, des jeux de textures et du dosage du sucre. La magie opère, l’émotion nous submerge, et il devient difficile de penser à autre chose qu’à son seul plaisir. Pour encore plus de gourmandise, une saucière de coulis de fraise est laissée à notre disposition… comment pourrait-on résister à un autre tour de carrousel ?
Benoît Charvet est passé maître dans le travail du sucre, comme le prouve cette création surmontée d’une sculpture d’une extrême finesse, composée d’un sorbet à la myrtille au poivre de Tasmanie, d’une compotée de cerises griottes et d’un sablé aux amandes.
Il suffit de donner un petit coup de cuillère sur le joli vase en sucre soufflé pour qu’il se brise en mille morceaux… Une destruction qui fait mal au coeur, mais dont on se console bien vite dès la première cuillère ! Jamais la myrtille ne m’avait semblée aussi naturelle et intense dans un dessert. Encore une fois, les jeux et les proportions de textures, entre moelleux des cerises, croustillant du sablé et craquant des fins morceaux de sucre soufflé, sont exceptionnels, tout comme les associations de saveurs et la maîtrise des différentes températures.
Les bons cafés de Monsieur Giordano sont comme toujours accompagnés de pâtes de fruits et de chocolats maison, mais aussi des fameuses tuiles aux amandes de Bernard Loiseau. Je l’ai déjà écrit l’hiver dernier mais j’insiste encore : ces tuiles sont vraiment sublimes !
Avant de nous dire au revoir et pour notre plus grand plaisir, Dominique Loiseau nous fera visiter un lieu qui lui tient particulièrement à coeur et où elle s’adonne à sa grande passion : le jardin aux mille recoins fleuris, avec son herbier et ses nombreux petits aménagements propices à la détente.
Alain Ducasse a déclaré dans une interview au Nouvel Observateur (mai 2013) : « Bien recevoir est tout un art. Et cet art est porté au plus haut point lorsque l’aubergiste façonne sa demeure à son image. Il n’y a rien de comparable à ces auberges de campagne qui sont des lieux habités. Son séjour devient une expérience inoubliable ». Comment ne pas être d’accord avec lui en quittant la belle maison de Dominique Loiseau ?
Relais Bernard Loiseau